Apion le 1er anti juif de l’histoire

Apion le 1er anti juif de l’histoire

Elie Wiesel, disait «  Ceux qui ne connaissent pas leur histoire s'exposent à ce qu'elle recommence »

Et l’histoire d’Apion en est la parfaite illustration, car on va découvrir qu’au travers des siècles et malheureusement encore aujourd’hui, il y a des « Apion »

 

Comme toujours, pour bien comprendre l’histoire, le contexte.

On est au 1er siècle après notre ère c’est-à-dire entre l’an 1 et l’an 100.

Dans l'empire romain, le christianisme est considéré comme une secte juive.

Pour être taquin même si ça n’a rien à voir, je rajouterai qu’en l’an 6,c’est l’année de la 1ère preuve d’une présence juive en France, pour situer un peu, Clovis, 1er roi de France c’est plus de 400 ans après.

En 30 c’est la crucifixion de Jésus.

Mais surtout, c’est le siècle de la première guerre judéo-romaine qui aboutira à la destruction du second Temple en 70.

C’est donc un siècle très chargé en histoire.

 

Présentation d’Apion

Apion est né en Egypte entre 20 et 30 avant notre ère.

Rhéteur, grammairien et sophiste.

Mais c’est sa qualité de rhéteur qui nous intéresse ici.

Un rhéteur est un professeur d’art oratoire c’est-à-dire quelqu’un qui a une aisance à l’expression orale, on dit de lui qu’il est un orateur magnétique.

Il est surtout connu pour sa haine amère des juifs contre qui Josephus Flavius le célèbre historien du monde juif, l’une des sources principales pour l'histoire de cette période, car il a vécu la guerre des Juifs contre les Romains de Vespasien et de Titus, a écrit « Contra Apionem », livre pour défendre les juifs et le judaïsme dans sa globalité à l’attention du monde grec et romain.

Apion est le principal de l'école homérique d'Alexandrie et donne des conférences sur l'interprétation d'Homère et dans de nombreux endroits en Grèce.

Apion était un écrivain volumineux, mais très peu de ses écrits ont été conservés.

Il offrait la promesse de l’immortalité à quiconque parlerait de lui dans ses œuvres.

A Rome, ses méthodes charlatanes n'ont pas réussi à impressionner favorablement le peuple.

Dans les cercles savants, Apion était considéré comme un charlatan, on dit de lui qu’il est un fileur de phrases grandiloquentes et bavard.

L’empereur romain Tibère le surnomma le "tambour du monde".

 

Emeutes de 38

En 38, à Alexandrie, pendant le règne de l’empereur romain Caligula, Hérode Agrippa Ier, le dernier roi juif de Judée est de passage.

Acclamé par les Juifs qui voient en lui un espoir de renouveau national juif, décident de donner une fête en son honneur.

Pour les Grecs et les Égyptiens d’Alexandrie, au contraire, l’entrain des juifs affiché devant Agrippa démontre le manque de loyalisme des Juifs à l’égard de Rome.

Et pour le prouver les égyptiens arrivent à convaincre Flaccus, le gouverneur de l’Egypte, d’établir une ordonnance exigeant de placer des statues de l'empereur Caligula dans toutes les maisons de prières, et donc bien sûr, les synagogues sachant pertinemment que les juifs ne le pourraient pas.

Et Apion, avec ses talents d’orateur fait appel aux préjugés de la population pour attiser la haine des juifs et ce fut le signal de déclenchement d’une émeute au cours de laquelle 400 maisons juives furent pillées.

Cet événement restera connu pour être les premières traces de violence anti juives de l’histoire.

Et Apion en est directement l’instigateur.

 

Contra Apionem
Apion a écrit une histoire de l'Égypte en cinq volumes comprenant une section sur les Juifs.

C'est cette section qui est désignée par les écrivains chrétiens comme son œuvre « Contre les Juifs. »

Apion y a détaillé de nombreuses absurdités sur le peuple juif, le judaïsme et le Temple de Jérusalem.

Dans « Contra Apionem » de Josephus Flavius, il démontre qu'Apion a repris l'idée de l'historien égyptien Manetho, que les Juifs ont été expulsés d'Égypte parce qu'ils étaient lépreux.

Histoire selon laquelle le peuple juif chassé d'Égypte, une horde de lépreux, aveugles et boiteux.

Il prétend avoir entendu les anciens d'Egypte dirent que Moïse était de la ville d'Héliopolis, la ville du soleil, et c'est pourquoi, il a appris à son peuple à offrir des prières vers le soleil levant.

Mais le plus cocasse, il raconte l’histoire inventée qui serait à l'origine du shabbat.

« Lorsque les 110 000 lépreux chassés, voyagèrent pendant six jours, ils ont développé des bubons dans leurs aines, et ainsi ils se sont reposés le septième jour pour leur récupération.

Le nom de cette maladie étant Sabbo en langue égyptienne, ils appelèrent alors ce jour de repos le Shabbat. »

 

Entre parenthèses, et en lien avec la précédente émission on a encore un témoignage contemporain de la sortie d’Egypte. Qui plus est de la part de quelqu’un qui éprouvait une aversion contre eux. Parenthèse fermée.

Flavius décrit une défense en deux parties.

Une défense négative des juifs, c'est-à-dire de réfuter les affirmations des antijuifs.

Et l’autre, une défense positive qui était de révéler la valeur intrinsèque du judaïsme et sa supériorité éthique sur l'hellénisme.

Dans cette partie en particulier, Josephus Flavius apparaît comme un juif complètement engagé envers son peuple et sa religion.

 

Sacrifice humain

La pire de toutes les calomnies, il impute à la religion juive l'accusation de sacrifice humain.

Il racontait par exemple qu’une fois par an, les juifs sacrifiaient un non-juif.

Il relate l'histoire que dans le Temple, on trouva sur un autel de sacrifice, un homme, un voyageur grec, couché dessus, avec une petite table devant lui chargée de friandises, qui aurait été kidnappé, amené au Temple, et enfermé pour y être engraissé avec les friandises présentes devant lui, avant d’être sacrifié selon des rites religieux pour manger ses entrailles en jurant pendant le repas de haïr la nation dont la victime était membre, car selon Apion, les principes du judaïsme obligeaient les juifs à haïr le reste de l'humanité, avant de jeter sa carcasse dans une fosse.

 

Il racontait aussi que dans le Saint des Saints du Temple de Jérusalem, il y avait une tête d'âne d'or que les Juifs adoraient.

La méthode d'Apion était de donner de la publicité à toutes les histoires désobligeantes qu'il pouvait trouver sur les Juifs et d'y ajouter quelques faits de sa propre imagination.

Et c’est précisément ces histoires qu’il a utilisé pour mener une propagande anti-juive à Alexandrie.

 

L’accusation de meurtre rituel était née.

Cette accusation fera recette dans l’histoire du peuple juif, et sera reprise, d’après mes comptes 122 fois pour être précis.

Pour le prouver, la déclaration d'un certain Démocrite, lexicographe grec du 10ème siècle qui a écrit :

«Tous les sept ans, les Juifs attrapent un étranger, qu'ils offrent en sacrifice»

Ainsi, deux siècles plus tard, la première accusation fera son apparition en 1144.

Mais une accusation de meurtre rituelle sera directement liée à Apion, c’est le cas du petit Saint Hughes de Lincoln en 1255, c’est-à-dire plus de 1200 ans après Apion, car on a accusé les juifs d'avoir engraissé l’enfant pendant dix jours avec du pain blanc et du lait.

Et une vingtaine de juifs furent massacrés sur ces allégations.

Mais ce n’est pas tout, plus proche de nous, le 01 mai 1934, le quotidien nazi Der Stuermer a consacré un numéro spécial sur l'accusation de meurtre rituel contre les Juifs, dans lequel les scientifiques allemands ont ouvertement servi la propagande nazis contre les juifs et donc près de 2000 ans après.

Encore une preuve s’il en fallait une, de l’importance du combat contre l’antisémitisme par la connaissance.

 

Délégation

Et donc, pour se défendre, les Juifs d'Alexandrie envoyèrent une délégation à Rome pour voir l’empereur Caligula, dans le but de demander protection.

Côté juif, la délégation était dirigée par Philon le grec, un philosophe juif, aussi connu sous le nom de Philo Judaeus et Apion dirigeait la délégation adverse.

Apion attaquera les juifs, du point de vue Égyptien.

Il revient sur l’origine des émeutes et leur reproche de ne pas adorer les mêmes dieux que les Egyptiens, et notamment de ne pas ériger d'images d'empereurs alors que les autres le faisaient.

 

Mais évidemment, il était conclu d'avance que la délégation d’Apion vaincrait celle de Philon le juif, le philosophe, chef de la délégation juive.

 

La stratégie antijuive d’Apion était composée en trois parties.

Premièrement, le dénigrement des juifs, deuxièmement, dénoncer leur manque de patriotisme et loyauté et troisièmement, déformations de leur foi, de leurs croyances et de leurs rites religieux.

Il ne fait aucun doute qu'Apion a joué un rôle de premier plan dans la diffusion de la propagande anti-juive et dans l'agitation, sinon Josephus Flavius ne l’aurait ne pas traiter aussi longuement dans son livre « Contra Apionem. »

 

L’ironie de l’histoire veut qu’en 48, Apion mourut à Rome, souffrant, comme le raconte Josephus Flavius, d'une vilaine maladie, à laquelle, pour y remédier, il dû recourir vainement à la circoncision, opération dont il s'est souvent moqué dans ses écrits.

 

Ce qu’il faut retenir, Apion est le 1er anti juif de l’histoire, il est le responsable de la 1ère émeute anti juive de l’histoire et l’inventeur de l’accusation de meurtre rituel.

Voilà pourquoi je voulais parler de lui aujourd’hui.

On peut conclure qu'Apion, écrivain raté, assoiffé de reconnaissance et de vanité, a utilisé la haine des juifs pour y parvenir en inventant les pires calomnies en utilisant les préjugés.

 

« Toute ressemblance avec des personnes ou des événements existants ou ayants existé n’est pas une pure coïncidence ».

C’est l’un des meilleurs exemples qui prouve qu’il faut lutter contre l’antisémitisme par la connaissance si l’on ne veut laisser pas ce vide comblé par des idiots à l’égo surdimensionnés et autre propagandistes.

 

Jérôme Attal

 

 

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