Découvrez 4 faits étonnants sur Philippe Auguste et les juifs

Découvrez 4 faits étonnants sur Philippe Auguste et les juifs

Pourquoi Philippe Auguste ?

Souvent quand on parle des rois de France connus pour leur attitude anti judaïque, c’est Louis IX appelé aussi Saint Louis qui vient tout de suite à l’esprit.

Et c’est à juste titre, car c’est Saint Louis, qui fera connaître aux juifs les mesures les plus restrictives, comme le port de la rouelle en 1269 et jusqu'à l’expulsion définitive des juifs du royaume en 1394 sous Charles VI, les juifs sont astreints au port d'un signe distinctif en public ou ils seront condamnés à une amende de 10 livres d'argent, mais aussi, l’interdiction d'accéder à certains métiers, les conversions de force, ou fera bruler des livres saints, comme le Talmud après une disputation, persuadé, en plus, par un juif convertis au christianisme, comme Nicolas Donin, que le Talmud à un contenu anti chrétien.

Et c’est sur la place de l’Hôtel de Ville à Paris aujourd’hui, qu’il fera brûler des Talmud.

On sait que Saint Louis, considérait que les juifs étaient responsables collectivement de la mort du Christ.

Mais, je ne vais volontairement pas déborder sur Saint Louis, cela fera l’objet d’une autre émission.

Et donc la question est, mais d’où lui venait cette attitude contre les juifs ?

C’est ce que je vais développer à travers 4 faits étonnant au sujet de Philippe Auguste que beaucoup ignore.

 

Comme toujours, le contexte à cette époque pour mieux comprendre l’histoire.

Donc on est au début du 12ème siècle en France.

Le XIIème siècle est une période de prospérité pour le judaïsme provençal et languedocien qui profite de l'esprit de tolérance qui règne alors dans les cours de Toulouse et de Béziers.

En France, du nord au sud, le judaïsme français du XIIe siècle offre le spectacle d'une intense effervescence intellectuelle.

C’est l’époque des Tossafot, les ajouts au commentaire de Rachi, les discutant, les corrigeant ou les complétant.

Ils sont le résultat de discussions des écoles et de l'enseignement des maîtres et sont des notes prises par le professeur ou, comme c'était souvent le cas, des écrits recueillies par les élèves pour les emporter avec eux lorsqu'ils visitent d'autres écoles.

La production de tosafot devint l'occupation dominante de cette période.

Les étudiants à cette époque, parcouraient le pays, passant de maître en maître et cela donné naissance à de grands maîtres de la Thora.

Ils étaient des membres de la famille de Rachi, Judah ben Nathan, son gendre et le continuateur de son commentaire du Talmud mais aussi Meïr, un autre gendre, devenu directeur de l'Académie de Troyes après la mort de Rachi.

Jacob Tam plus connu sous le nom de Rabbenu Tam, et le fils de Meïr, véritable fondateur de l'école des tossafistes.

 

En 1137, le roi Louis VII dit « le jeune » montre une relative tolérance envers les juifs.

Il est même accusé d’offenser Dieu par la protection qu’il accorde aux juifs.

Il se rattrapera en vouant une chasse aux juifs convertis au christianisme, mais qui continuent à pratiquer le judaïsme en secret, un peu comme les marranes en Espagne.

2 ans plus tard, quand le pape Innocent II entre à Paris, en 1139, les représentants de la communauté juive sont autorisés à se présenter.

Voulant honorer le pape, les juifs, portent des sefers Torah, le saluèrent avec respect auquel le pape leur répondit avec mépris "Que Dieu déchire le voile qui cache vos cœurs!"

Puis en 1144, est une année importante dans l’histoire du peuple juif, pourquoi ?, parce que car c’est l’année du 1er cas connu d’accusation de meurtre rituel, avec l’affaire de Guillaume de Norwich en Angleterre.

Pour ceux qui ne savent pas, les accusations de meurtre rituel étaient la croyance que les juifs avaient besoin de sang chrétiens pour la fabrication de galette pour la fête de Pessah' et étaient l’excuse pour massacrer et s’approprier les biens des juifs. Et même si, évidemment, jamais l’une d’elle n’a été fondée, cette accusation serva d’excuse jusqu’au 20ème siècle puisque la dernière en date était en 1946, quand les polonais à Kielce, accusèrent les juifs, alors rescapés de la Shoah, d'une accusation de meurtre rituel contre des enfants chrétiens, pour faire un pogrom.

Et donc les accusations de meurtre rituel ont couru de 1144 à 1946 et j’en ai compté 123 pour être précis.

Aussi en France, en 1179, une accusation de meurtre rituel contre les juifs parisiens, accusés d'avoir assassiné à Pâques un chrétien.

Et tout est parti de 1144, voilà pourquoi cette une année importante.

 

A cette époque, en France,  on sait aussi qu’il y avait une communauté à Avignon, à Etampes, ou à Lunel qui est à l’époque un important centre philosophique juif.

 

J’en viens à Philippe Auguste, j’ai dit précédemment que l'antijudaïsme en France a commencé à se manifester à partir de 1180.

Pourquoi cette année ? Parce que le 1er novembre 1179, c’est le couronnement de Philippe II en la cathédrale de Reims et devient alors roi à l’âge de 15 ans.

C’était le grand père de Saint Louis.

Les éléments dont on dispose sont rapportés par Rigord.

Et là j’ouvre une parenthèse pour le présenter.

Rigord, est un moine et un chroniqueur, contemporain à Philippe Auguste, témoin direct, il rédige une chronique du règne du roi à partir de sa propre expérience, et nous a fait parvenir des éléments d’une incroyable importance historique.

Par exemple, c'est lui qui donna à Philippe II de France le surnom d'« Auguste ».

Mais il nous apprit surtout la source de l’antijudaïsme de Philippe Auguste.

 

À cette époque, Paris contenait des juifs riches.

Les commerçants chrétiens jalousaient leurs collègues juifs.

Par exemple sur la rive opposée de la Seine, se trouvait un moulin appartenant également à des juifs très riches.

C’est ainsi que le 14 mars 1181, immédiatement après son couronnement, Philippe Auguste ordonna que les juifs soient arrêtés un samedi, dans toutes les synagogues, et dépouillés de leur argent, saisit leur or, tous leurs meubles et comme si ça ne suffisait pas aussi, leurs vêtements.

Puis il libérera les juifs qu’il avait fait arrêter contre une rançon de 15 000 marcs d'argent.

Ensuite il les expulsa puis confisqua leurs terres et leurs maisons, et dispensa à tous ses sujets de payer les sommes dont ils étaient redevables aux juifs, contre un cinquième de ladite somme due.

Pour enfin, l'année suivante, les expulser à nouveau et saisir, encore, leurs biens.

Enfin, en 1198, il leur permet de revenir à Paris en échange d'une nouvelle somme d'argent.

Là encore, il fait annuler les dettes contractées à l’égard des juifs mais, cette fois-ci non plus contre un cinquième mais 20%.

 

Premier fait étonnant :

Philippe Auguste inventa la spoliation des juifs, une nouveauté qui fera fortune.

Comme d’autres après lui comme Colbert, par exemple, il voyait l’intérêt financier d’une telle communauté dans son royaume.

 

Deuxième fait étonnant :

Rigord nous apprend surtout, une chose très importante, Philippe Auguste avait peur que comme les égyptiens, que les juifs quittent la France en la dépouillant de ces richesses et ruinant ainsi le pays, comme, pensait-il, ils avaient fait avec l'Egypte.

Ce qui entre parenthèse, est très intéressant, car, à l'instar d'archéologue reniant le fait de l'existence des hébreux dans l'Egypte ancienne en -1312, époque de la sortie d’Egypte, il est intéressant de voir que 2000 ans après, alors qu'il n'y avait aucune technologie, simplement par témoignage cette information était parvenu à un roi d'un autre continent. Je referme la parenthèse.

 

Mais aussi, Philippe Auguste connaissait l’obligation- pour les juifs du prêt sans intérêt entre juifs, et donc les chrétiens qui empruntaient avec intérêt, pensait-il, étaient considérés comme des étrangers aux yeux des juifs, et donc des ennemis.

Philippe Auguste, roi très chrétien, voyait les juifs comme les ennemis de la religion chrétienne et donc, c'est précisément pour ces principales raisons qu'il ordonnera une expulsion pendant son règne, alors qu'il n'a que 17 ans.

Et finalement en 1182, le 10 mars plus précisément, Philippe Auguste procède à l'expulsion des juifs du domaine royal les dépouillent à nouveau de leurs biens restants.

L’ordre du jeune Capétien ne s’appliquait qu’au domaine royal.

Il faut bien comprendre que ce que l’on appelle « domaine royal » est une bande de territoire qui englobait alors grosso modo l’Ile-de-France et s’étendait de Compiègne à Orléans.

Et donc, étaient visés les juifs qui habitaient à Paris, Orléans, Bourges, Corbeil, Étampes et Melun.

 

Troisième fait étonnant :

Après l'expulsion des juifs du royaume de France en 1182, les synagogues ont été transformées en églises.

L’exemple le plus célèbre est la synagogue de l’île de la cité, présentée à Maurice de Sully l'archevêque de Paris en 1183, qui devint l’église de Sainte-Madeleine-en-la-Cité, située dans la continuité du pont Notre Dame.

On y avait déposé des reliques de Sainte Madeleine, église qui sera finalement détruite à la révolution.

A l'origine, c’était une synagogue construite au IXe siècle, qui mesurait 31 mètres de long et 8 mètres de large.

Toujours d’après Rigord, on apprend avec surprise que les juifs étaient tellement riches, qu'ils possédaient presque la moitié de Paris qui était l’ile de la cité à l’époque.

Il y avait à Paris une rue de la Juiverie, c’était l’une des rues les plus passantes de l’île de la Cité, dans l’axe Nord Sud de Paris, reliant le petit pont au sud, au pont Notre Dame, au nord, appelé aujourd’hui rue de la cité.

A cette époque, il y avait deux synagogues; l'une dans la rue de la Juiverie, l'autre dans la rue de la Tacherie dans le 4ème arrondissement.

La ville possédait deux cimetières juifs, l'un situé rue Galande dans la continuité de la rue de la cité où un panneau de la ville de Paris le rappelle encore aujourd’hui et l'autre au bout de la rue de la Harpe, sur l’emplacement occupé aujourd’hui par la libraire Gibert Jeune, tous deux dans le 05ème arrondissement.

 

Quatrième fait étonnant :

Toujours d'après le chroniqueur, lorsque les juifs apprirent la nouvelle de l’expulsion, ils firent le Shema Israël, avant de vendre tout leur mobilier, car contraints de quitter le Royaume.

Et là on imagine qu’un grand Shema Israël a raisonné dans la moitié de Paris en 1182.

 

Et pourtant 8 jours après l’expulsion des juifs, le 18 mars 1182, les juifs sont accusés d’avoir tué un chrétien.

C’est l’affaire du château de Bray, on apprend que, le roi, enflammé par un zèle endiablé, marche avec la plus grande célérité vers le château de Bray.

Il arrive, il place des gardes aux portes du château, fait prendre les juifs, et en fait brûler plus de quatre-vingts.

 

Et pourtant, en juillet 1198, soit 6 ans après, Philippe Auguste pressé par l'argent, ordonna lui-même, leur rappel pour les besoins du Trésor royal, en raison de leurs compétences dans les questions financières.

Et ainsi il autorisa les juifs à rentrer en France.

On peut parler littéralement de volte-face.

Les juifs revinrent à Paris, réparèrent leur synagogue rue de la Tacherie, s'installèrent près de l'église du Petit-Saint-Antoine, dans la rue de la Tissanderie, connue plus tard sous le nom de "Cul-de-sac des Juifs" situé dans le centre financier de Paris.

À partir de ce moment, les juifs jouissent d'un certain degré de liberté et de tolérance.

Certains ont été contraints de s'engager à ne pas quitter le royaume avant plusieurs années.

On leur demanda même une caution à titre de garantie de résidence permanente et on leur fera prêter serment sur les « rouleaux de la loi ».

Par exemple, on apprend dans un document daté de 1209, qu’un juif s'appelle "le Juif du roi".

Probablement était-il attaché à la gestion du royaume mais on en sait pas plus aujourd’hui.

Afin de leur extorquer de plus grandes sommes d'argent, le roi leur permit de facturer un taux d'intérêt élevé.

Le roi, qui avait appris que les juifs pouvaient être une excellente source de revenus d'un point de vue fiscal, notamment en tant qu'usuriers, accepte donc de les reprendre à condition de payer.

Il ne prend pas cette décision par une compassion tardive mais par un intérêt bien compris de ce que les juifs, de par leur métier de prêteurs, contribuent à l'essor économique du Royaume.

Le roi fait alors des juifs des serfs de la Couronne.

Ils sont désormais soumis complètement au roi et à ses seigneurs.

Les juifs étaient donc serfs du roi, et les rois et les seigneurs disaient « mes juifs », comme ils disaient « mes terres ».

D’emblée un impôt frappe toutes les transactions financières des juifs.

Il mit sous contrôle leurs affaires, fixa le taux d'intérêt légal, les obligea à faire apposer des scellés sur tous leurs actes.

Naturellement, ce commerce taxé, était payée par les juifs.

Désormais, il y avait dans le trésor royal un compte spécial appelé « Produit des Juifs ».

 

Philippe Auguste, pour citer encore l'historien contemporain Rigord, contrairement à l'attente générale et malgré son propre édit, quand le roi rappela les juifs à Paris, « il fit subir aux églises de Dieu de grandes persécutions. »

Par ces mots, il nous apprend donc que le roi rappela les juifs à contrecœur et donc uniquement par intérêt financier.

Finalement en 1219, il ordonna aux juifs de porter la rouelle, comme l’a imposé le Concile de Latran 4 ans auparavant.

Pour le prouver, Isaac ben Moses de Vienne, auteur de l’Or Zaru’a, qui se trouvait en France à cet époque a rendu compte de discussion sur la possibilité de porter la rouelle le shabbat non attaché à un vêtement.

 

Comment expliquer donc, que Philippe Auguste ait fait volte-face ?

A mon avis, ces premiers actes étaient les desiderata d’un adolescent désireux de prendre le contre-pied de la politique de son père Louis VII, qui souvenez-vous, se montrait trop tolérant envers les juifs, pour faire montre d’autorité au peuple malgré son jeune âge, au mépris des juifs.

En résumé, Philippe Auguste confirme la sortie d’Egypte, que les juifs possédaient environ la moitié de Paris c’est-à-dire l’ile de la cité, que les juifs firent le Shema Israël à l’annonce de leur expulsion, que c’est Philippe Auguste qui inventa le concept de spoliation des juifs, que le trésor royal avait un compte spécial appelé «Produit des Juifs» et qu’à Paris la rue de la cité sur l’ile de la cité aujourd’hui s’appelait la rue de la Juiverie.

 

Jérôme Attal

 

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